Lorsque mon père prit sa retraite vers 1955, notre famille vint s’établir à Ville Saint-Laurent. Quelques années plus tard, l’ONF quitta Ottawa pour la même ville. Et c’est ainsi que Guy L. Coté devint notre voisin d’en face…
À treize ans, je n’étais pas en mesure d’imaginer que cette proximité allait probablement modifier mon destin. D’abord, j’avais compris que Guy n’était pas un voisin comme les autres. Au 1015 rue Vanier, où il habitait, arrivaient des boîtes et des bobines de film. Le facteur pouvait en laisser chez nous quand personne ne répondait. Dans le sous-sol de sa demeure, s’accumulait le fonds qui allait devenir la Cinémathèque. Et ainsi, grâce aux activités de Guy, j’allais être exposé à des personnes et des oeuvres extraordinaires.
Guy L. collectionnait des films expérimentaux. Sans savoir de quoi il s’agissait, je me suis rendu au Musée des Beaux-Arts pour assister à une présentation de Guy. Ce fut l’occasion de découvrir des courts métrages tels que: Bridges-go-round, un film de Lapoujade, des essais du service de recherche de l’ ORTF, etc. Une soirée marquante pour moi; comment aurais-je pu voir ces films rares si je n’avais pas connu Guy?
Guy ne se gênait pas pour avoir l’aide de bénévoles. Et je le bénis aujourd’hui d’avoir fait appel à moi. Ainsi, je me souviens d’avoir assemblé dans son garage, de grandes photos sur des cadres. C’était pour une exposition de l’Oeuvre de Norman McLaren qui allait se tenir pendant le Festival du Film de Montréal. Sur ces photos, on voyait Norman au travail avec ses méthodes si particulières. Je me demande si ce n’est pas précisément cet événement qui a été mon introduction à McLaren, du moins celui qui a piqué ma curiosité.
Puis, en 1967, toujours à la demande de Guy, j’ai pu contribuer à un événement majeur en composant en « letraset » la typographie de textes pour l’Exposition mondiale du cinéma d’animation qui se tenait à Sir George Williams. C’est là que je vis pour la première fois un prototype de l’écran d’épingles d’Alexeïeff. Que dire de plus? Un chemin s’était tracé.
Grâce à Guy, j’avais été exposé à ces oeuvres dont je ne soupçonnais pas l’existence et qui allaient me donner le goût d’entrer dans ce monde. J’approchai Guy pour une lettre de recommandation à inclure à ma demande d’admission au département de cinéma de UCLA en 1968. Je lui dis que je souhaitais aller vers le cinéma d’animation après des études en Beaux-Arts. J’ai le souvenir d’une phrase précise qu’il m’a dite avec sa voix si particulière:
« Vous voulez passer de la peinture au cinéma d’animation? Moi, j’ai étudié la chimie avant de choisir le cinéma; alors dans votre cas, c’est vraiment un tout petit pas. »
Finalement, je me retrouvai à l’ONF où je devins un collègue de Guy, en quelque sorte. C’est à ce moment que j’ai pris connaissance de son immense contribution à différents mémoires rédigés par les cinéastes au cours des années afin de solidifier la place et l’importance du cinéma canadien.
Après la disparition prématurée de Guy, l’ONF devait subir l’épreuve de nombreuses commissions, de rapports et de recommandations qui allaient modifier sa mission. Dans la tourmente de ces événements, je me souviens d’avoir entendu plus d’une fois que nous aurions eu bien besoin d’un Guy L. Coté pour pondre et articuler un document mémoire comme il l’avait fait brillammant si souvent.
En toute reconnaissance,
Jacques Drouin
Photo : Caroline Hayeur